Les bourgeons du printemps picard

L’INFO DU JOUR
Les bourgeons du printemps picard

100années d’existence : la Royale Compagnie du Cabaret Wallon Tournaisien célèbre cet anniversaire en invitant les écoliers et leurs familles à la journée du 19 avril.

“Chaque classe vient avec une présentation de son choix, animée ou imagée, en picard de son village ou de sa ville. Le parler de Péruwelz n’est pas le même que celui de Templeuve.”
Michel Derache

Plus de huit cents écoliers participeront à la journée “Le Picard des enfants”. La Maison de la culture accueillera scènes et expositions.

Françoise LISON

La langue picarde fleurit dans le grand jardin de notre région. Depuis quelques semaines, les enseignants du primaire accompagnent les enfants au cœur d’un vaste projet.”On ne peut pas fêter le centième anniversaire de la Royale Compagnie du Cabaret Wallon Tournaisien sans penser à l’avenir”, confie Michel Derache, inspecteur de l’Enseignement fondamental. Coordinateur de la manifestation, le Kainois fait partie de la RCCWT. Avec l’aide de ses confrères et celle de Bruno Delmotte, cheville ouvrière du picard, voilà que se met en place un imposant chantier, dont les fondements ont été posés il y a un an, bien avant le succès d’un déjà célèbre film.

Ch’est nous z’eautes les gosses…

Toutes les écoles primaires de Tournai et des communes limitrophes ont été invitées à l’aventure. Quelques autres ont souhaité se joindre à la fête, le plus souvent parce que des enseignants ont proposé leur savoir-faire. Deux hautes écoles (HECF et HELHO) s’associent à l’évènement, lançant de futurs instituteurs dans la pédagogie de la langue picarde. “Notre projet se veut rassembleur”, poursuit l’inspecteur Derache. ” Nous avons le souci du parler et celui du folklore. Le patrimoine est riche, tant d’auteurs ont écrit en picard. Nous voulons porter tout cela à la connaissance des enfants, leur transmettre le flambeau”. Chaque école a pu recevoir, sur demande, l’aide d’un membre du Cabaret Wallon pour atteindre son objectif : prononcer correctement, traduire, chanter. Dans certains villages, des aînés ont été invités à donner un témoignage, à évoquer un métier, des coutumes anciennes, des histoires. “Une enseignante de 5ème professionnelle a fait découvrir Beaumarchais à ses élèves par le biais du picard. Et une classe maternelles de Wiers sera elle aussi de la partie. A Vezon, est né le projet de théâtre d’ombres.” Confiant, Michel Derache se réjouit de la solidarité spontanée des intervenants. “Tout cela demande une solide coordination. Nous bénéficions d’un tisu institutionnel, associatif et humain à la fois.”
Si le marché de la Place de Lille sera, le 19 avril, un creuset de jeux anciens et d’animations, la Maison de la Culture accueillera expositions, récitals de poésies, pages jouées ou chantées selon un programme bien établi.
La journée se clôturera par un mini-cabaret de la RCCWT et par la présence sur scène de centaines d’enfants qui interprèteront “Les gosses de Tournai.”

>Maison de la Culture, samedi 19 avril, entrée libre, spectacles et animations dès 13h30, Petit Cabaret à 20h.

” Sans eux, le patois disparaîtrait”

L’école communale de Pecq s’est elle aussi mobilisée pour l’événement. Quatorze élèves âgés de 9 à 12 ans, interprèteront plusieurs textes mis à la sauce hérinnoise. ” On ne peut pas parler réellement de picard. Personnellement, je viens du village d’Hérinnes et j’ai traduit les textes dans le patois de mon enfance.”, nuance Françoise Piron, directrice de l’école.
Les enfants reprendront des classiques comme L’caperon rouche d’asteur ou l’téléphone i brait. Les Pecquois en culottes courtes réciteront également des textes de Jean-Pierre Hennebo. Un écrivain à la plume picarde tient particulièrement à cœur la directrice. “Jean-Pierre était mon voisin. J’ai beaucoup de respect pour ce talentueux écrivain. On ne pouvait faire le puicard des enfants sans y placer un de ses textes.”
Ce n’est pas la première fois que l’école de Pecq se met à l’heure picarde. Plusieurs activités sont régulièrement organisées afin de faire découvrir aux enfants ce dialecte qui a tendance à ne plus se transmettre entre les différentes générations. “C’est primordial de mettre en place des activités de ce type. Il n’y a plus ce travail de transmission intergénérationnelle. certains ont encore un grand-parent qui parle picard mais c’est de plus en plus rare. Sans ce travail avec la nouvelle génération, le patois disparaîtrait. Ce serait extrêmement dommage car c’est une langue extrêmement riche et qui illustre parfois mieux certaines idées que le français.”

Une motivation inimaginable

Le projet de Michel Derache est né bien avant la déferlante Ch’tis. Ce phénomène n’a fait qu’accentuer la motivation des élèves qui étaient déjà très impliqués dans ce projet avant la sortie du film. “Cela fait un an que ce projet a été lancé. J’ai été directement emballé par l’idée et les enfants aussi. Nous avons découvert ce patois petit à petit mais depuis un mois nous travaillons de façon plus intensive. Il y a un engouement incroyable de la part des élèves. On remarque que ça leur tient particulièrement à cœur et qu’ils ont envie d’en savoir plus. Ils veulent constamment répéter.”
Les tout petits, dès la maternelle, s’y intéressent également.
“Lorsque nous répétons, les enfants de maternelles viennent nous voir. Ils étaient émerveillés par ce qu’ils voyaient et entendaient.”

L’folklore, ch’est géant

C’est autour des géant “Louis XVIII” et “P’tit Chasseur” que les aînés de l’Ecole Paris (Tournai) ont construit un spectacle théâtral et une exposition. Avec leur institutrice, Sylvie Dujardin, ils ont visité le Musée du Folklore, recueilli des informations et réalisé des panneaux explicatifs. Les écoliers se sont lancés dans des créations collectives avec l’aide de Jean-Pierre Verbeke, membre du Cabaret Wallon.

Fruit de la passion

Et voilà que sur scène, des personnages se lancent dans une aventure rocambolesque. On assiste à une excursion scolaire et sérieuse qui dérape. Une entrée au musée, des indices bizarres, quelques péripéties insolites…La deuxième page s’ouvre sur une saga familiale qui tient du vaudeville et du fait divers. En patois tournaisien, les répliques volent et rebondissent. Tout se termine en chanson : “Vaisselle cassé, ch’est la fessé….”
L’équipe pédagogique de l’école communale n°1 n’a pas ménagé ses efforts pour participer à l’événement de samedi prochain. Ils nous semblent important que les jeunes tournaisiens soient sensibilisés au patrimoine de leur ville.”, confie la directrice, Carine Marquis.”Sur le site de l’Archéologie industrielle, les découvertes les ont enchantés. Ils ont également apprécié le Musée de la Porcelaine. Leurs recherches ont été exploitées dans différents domaines du programme, de l’étude du milieu à l’expression écrite. de nombreuses compétences se greffent sur la réalisation du projet : classer, synthétiser, mémoriser, s’exprimer…Les grands-parents ont été heureux de partager des connaissances avec nos élèves, qui ont également rencontré d’autres témoins.”

VITE DIT

Les participants : dites 33

Ecole communale de Pecq, Ecole Libre de Saint-Maur, Ecole communale de Kain, Sainte-Union de Kain, Ecole libre de Templeuve, Ecole des Frères de Tournai, Ecole communale de Vezon, Ecole libre de Vaulx, Ecole Notre-Dame auxiliatrice, Ecoles communales de Tournai n°1, 2, 3 , 4, 5. Ecole Saint-Pierre de Leuze, Le Saulchoir 1 et 2, Les Petits Colibris, Ecole communale de Wiers, Ecole communale de Barry, IPES, Ecole libre d’Ellezelles, Ecole communale d’Havinnes, Ecole libre de Gaurain, Ecole Saint-Piat de Tournai, Ecole libre d’Esplechin, Ecole communale de Calonne, Ecole communale de Pottes, Ecole communale de Béclers, Ecole communale de Warchin, les Urselines de Tournai, HELHO, HECF.

Quand on s’sét bî dvé ses bretelles

Ceux de l’Ecole Libre d’Ellezelles préparent un récital de chansons avec leur instituteur, Jean-Marie Vancoppenolle. Nous les avons surpris en répétition, entre une récréation sportive et un contrôle de calcul.
“Avant d’engager la classe dans ce projet, j’ai demandé l’avis à mes élèves”, confie l’enseignant. Musicien et animateur, il a collecté des chansons picardes dans sa région des collines, en compagnie des complices de “Jean Chabot Béton”. Sauvées de l’oubli voici trente ans, elles seront interprétées sur scène par les jeunes Ellezellois.
Que pensent les jeunes ados de cette aventure ? En quelques réflexions, ils font le tour de la question. “On apprend à mieux connaître notre histoire.” “Cela prouve que la langue picarde n’est pas tout à fait morte.” “Nous rencontrons d’autres classes et d’autres façons de parler, de prononcer.” ” En patois on peut se dire des secrets que les autres ne devinent pas.” “Quand je répète une chanson à la maison, ça amuse beaucoup mes parents.” “Il y a des mots qu’on traduit directement et d’autres qui nous étaient inconnus.” “On voulait en savoir plus sur le patois.” “C’est comme quand on apprend une autre langue, un peu à la fois on trouve des repères.”
Si certains ont exprimé quelques réticences dès le départ, c’est avant tout parce que la scène ne leur est pas familière. Je suis content de participer à cette journée.”, dit un écolier. Chanter le rebute ? Ses camarades de classe l’encouragent L’une précise qu’elle est partante pour l’expérience, une autre souligne l’importance de faire connaître des chanson ancienne, “celles d’ici”. Et les “métries”(carabistouilles) reprennent de plus belle : “Là j’ai vu l’coq qui pestrichoû et l’pouiett’ qu’ell’ tamisoû…” Leçon de vocabulaire et de mélodie, pour mieux rejoindre “L’amour à benniau” d’Edgar Renard ou la “Chanson des mé” et ses saveurs.

Huit cents élèves seront présents à la fête. Dans les école, on prépare activement cette grande journée de rassemblement.

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